Entretien avec S. (brochure)

Entretien réalisé par Les Tenailles, dans son intégralité,
il apparaît dans notre émission #8 la transidentité en prison

Lien de téléchargement – brochure page par page

Pour nous situer un peu, nous sommes un groupe anti carcérale, que des meufs. Personne d’entre nous n’a fait de taule, certaines ont des proches, ami-es enfermé-es, certaines vont à des parloirs, d’autres participent à des émissions de radios en solidarité avec les prisonnières, prisonniers et leurs proches…

Le système carcérale n’enferme pas qu’une personne et la justice n’en condamne pas qu’une non plus…. Celles et ceux qui sont à l’extérieur, qui soutiennent leurs proches font face chaque jour à un système arbitraire et brutal. Pour l’état, l’enfermement et la justice sont des outils principaux pour imposer un système politique raciste, capitaliste et colonialiste et maintenir cette fucking paix sociale.

Selon les peines de prison, les prisonnier.e.s sont enfermés dans différents établissements pénitentiaires qui n’ont pas les mêmes conditions d’incarcération. Les maisons centrales (MC) fonctionnent différemment des maisons d’arrêts (MA), des centres de rétentions (CRA), des hôpitaux psy (HP), des établissements pour mineurs (EPM)… Certaines prisons sont décrites par les prisonnier.e.s comme des vrais tombeaux, des mouroirs…

Après avoir trier à son bon vouloir les prisonniers, l’AP vient enfoncer et mater d’avantage toutes sortes de résistances et de solidarités à coups d’isolements, de peines supplémentaires, d’intimidations, d’humiliations et de restrictions. L’administration pénitentiaire utilise aussi, d’autres moyens de pression pour les proches : fouilles, parloirs retardés ou supprimés…

Ces histoires de taule sont toutes différentes, toutes singulières … et à la fois elles se rejoignent entre autre dans l’infantilisation, la violence carcérale et l’humiliation faite aux proches et aux prisonnières, prisonniers. Elles se rejoignent dans la thune que ça coûte aux proches. Elles se rejoignent quand l ‘administration pénitentiaire abuse, systématiquement de son autorité.

On voudrait que la parole de celles et ceux que la prison enferme, marque dans le quotidien, emmerde mais aussi enrage, résonne.

Dans ce zine ce seront les mots d’une personne qui a vécu la taule de l’intérieur, et qui raconte ses liens affectifs, qu’ils soient amicaux, sexuels ou amoureux…

Ces personnes nous ne les entendons jamais assez et pourtant on aurait envie de crever la taule avec leur force et leur rage !

Bonne lecture !
Crève la taule !
Pas d’compassion pour les matons !

Si vous voulez nous contacter, voici notre mail : lestenailles@riseup.net


Bon voilà je suis S.

J’ai fait une longue peine de taule, dans différents établissements. Des centres pour femmes. Je me présente un peu sur mon identité globale. Je suis un mec trans et au niveau de ma sexualité et bien je suis bi. Je pense que quoiqu’en disent les psys et la société, moi j’ai toujours été comme ça. Ce ne sont pas les traumas dans ma vie qui font que ma sexualité a été orientée, ça c’est certain, ni mon identité de genre; c’est plutôt le fait de vivre des violences en tant que personne née avec un vagin qui a plutôt foutu la merde dans ma tête. Voilà, mais ça n’a pas orienté quoi que ce soit. Je ne suis pas sorti avec des meufs parce que j’ai été violé et que depuis je ne supporte plus les mecs. Je pense que dès l’école on peut voir comment l’institution genre vraiment les personnes d’un côté binaire, et ça c’est encore plus exacerbé en taule. Il y a plein de violence qu’on peut recevoir sans comprendre à quoi ça correspond socialement. Le fait d’être allé en prison, ça m’a aidé à comprendre qu’en tant que personne avec un vagin, tu n’aurais soit-disant pas de sexualité, pas de désir réel…Mettons que tu sois une meuf frustrée sexuellement, ça ne peut pas exister dans la tête des juges que tu aies de la violence, par contre un mec qui sera frustré sexuellement on va complètement comprendre qu’il devienne violent, qu’il viole et tout ça… C’est admis, et ça moi, c’est la prison qui m’a fait comprendre ce truc…

(pause)

Je pense qu’il y a 20 ans on ne parlait pas autant de genre. D’où je suis, c’est à dire de Brest, du bout du bout, ce n’était pas une évidence de se rendre compte qu’il y avait d’autres personnes qui sortaient avec des femmes, qu’il existait des sexualités multiples, variées… Voilà, ce n’était pas aussi commun que maintenant. Aujourd’hui on a quand même accès à des informations, tout ça quoi…

Donc, quand je suis arrivé en prison je sortais avec un gars, un peu par souci de normativité. Clairement, je pense qu’il y avait ce truc d’être déjà exclu de ma famille, d’avoir été viré de tous les collèges et lycées. Du coup, je n’ai pas pu finir ma scolarité correctement. Je ne trouvais pas de taf, je ne savais pas ce que je foutais de ma vie. Je trouvais ce monde dégueulasse, dégueulasse à crever. Pour moi, c’était évident qu’il fallait que je me moule le plus possible parce que sinon j’allais finir dans un caniveau. Donc, je me suis dit je sors avec ce gars là, il avait 10 ans de plus que moi.

Tu disais que tu avais déjà eu des relations avec des meufs ?

Ouais, j’avais déjà eu des relations avec des meufs avant. Mais par exemple, quand j’étais au lycée, je ne le disais pas à mes camarades de classe. Quand je parlais de la personne avec qui j’étais, j’en parlais au masculin. Et quand j’ai passé mon examen final (le bac, que je n’ai pas eu), c’est ma copine qui m’a emmené et qui est venue me chercher, là du coup c’était une évidence. Moi je leur ai fait « ciao bye-bye ! », ils étaient mis devant le fait accompli et moi je n’ai pas eu de problème.

Après, c’est venu plus tard, quand je suis allé à Rennes, pour retenter de passer mon bac. Dans ma classe il y avait une fille qui était lesbienne, qui m’a invité à une soirée. Moi ça m’a fait ultra peur, mais vraiment ultra peur. J’avais l’impression d’être un bout de viande frais. Et du coup j’ai pensé : « chelou en fait, peut être que les lesbiennes sont bizarres, ouais peut être je vais me remettre avec un gars, ouais peut être ça va être mieux et puis voilà ». Du coup je me retrouve avec ce mec-là..

Quand même au niveau de mes liens affectifs et ma sexualité, ce qui était difficile, et là je vais en parler un peu, c’est que je me suis fait incester par mon père, quand j’étais très jeune. Huit ans plus tard c’est mon grand frère qui s’y est mis avec mon voisin. Du coup, c’était un truc glauque, j’avais quand même certains blocages, c’est sûr.

Juste avant d’arriver en prison, ce que je me disais c’était : « en fait les personnes qui m’ont violé sont très bien insérées socialement. Moi je suis à la rue, j’ai pas de taf, je n’ai rien et je suis hyper isolé. Et ça, ça m’a fait vriller. Vriller complètement. Suite à ça j’atterris en prison. Pour moi c’était évident que j’étais parti pour perpète; du coup le gars avec qui j’étais je lui ai dit direct « tu peux me laisser en fait ». Lui me dit «non, non je te laisserais pas, ça va être bien, enfin je serais là pour toi, je te lâche pas, je te lâche pas ». Du coup j’étais assez sûr de lui sur ça.

Il est venu te voir?

Ouais ouais pendant un an et demi. Et je pense que lui ça l’a vachement usé ; par contre il était convenu entre nous que s’il devait trouver une copine, ou… ce n’était pas un problème. Voilà, on en était là.

Au parloir, au niveau des liens affectifs, en tout cas dans la prison de Rennes, c’est sûr que je n’ai jamais pu me mettre sur ses genoux plus de 5 minutes, je n’ai même jamais pu lui faire des bisous trop longtemps parce que la matonne venait te rappeler que tu n’avais pas le droit d’avoir ces liens affectifs là, qu’il ne fallait pas qu’on se touche, que tatati que tatata… C’était donc assez restreint en terme d’échanges affectifs et corporels et frustrant aussi…

Après j’ai eu des codétenues avec qui, assez rapidement on a échangé amoureusement. C’était assez marrant ; comme des fois tu n’es pas dans la même cellule que la personne, tout se passe par courrier, par petits trucs, faut pas trop que ça se sache… Voilà, moi je trouve ça super mignon… Ces échanges affectifs là, moi ça m’a permis de tenir. Ces personnes m’ont vachement aidé à me sentir à l’aise dans ma sexualité, et même c’était cool… Assez vite je suis sorti avec des personnes, enfin avec des codétenues…

Ça c’était quand j’étais à Rennes, après il y a des choses qui ont changé une fois que je suis parti de Rennes. J’ai l’impression que le fait que ce soit une prison pour femmes et qu’il n’y ait pas d’homme, ça apaise certaines choses. Ce n’est pas du tout le même rapport, je ne sais pas comment dire, ça fait un truc de…. c’est moins mal vu de ne pas être hétéro, enfin du point de vue des détenues. Je parle vraiment du point de vue des détenues, parce qu’après les matons sont vraiment… ils sont très bizarres, voilà quoi…

Il n’y a pas eu de pression, réflexion de la part des autres détenues ?

Pas par rapport à ça, ou pas directement déclaré.

Après bon, il y a quand même un truc qui change beaucoup de choses, c’est le « pourquoi t’es allé en prison ? ». Dans mon histoire, le fait qu’il y ait eu de la violence, ça faisait que peut-être on se foutait moins de ma gueule. En tous cas, moi j’ai pris assez vite de l’assurance dans la cour de promenade*, je me suis dit je vais prendre perpète, donc en fait je suis chez moi…

Et quand tu dis qu’il ne fallait pas que ça se sache les relations, c’est par rapport… ?

C’est par rapport aux surveillantes. En fait elles jouent vachement avec ce truc de frustration. Il y en a une, une fois, qui m’a ouvert la porte et qui m’a dit: « ha dommage que le concombre soit coupé en tranches, hein…» Et du coup, t’es là, décontenancé : « mais… bah… bon appétit bien sur!» … (rires) Et elle se marre quoi, et toi t’es là mais « non mais c’est sale, t’es sale en fait, pourquoi tu… ? Nan mais nan… ». À ce moment là j’étais jeune, j’avais 21 ans … elle me dirait ça maintenant je saurais quoi lui répondre et je pense que c’est elle qui serait gênée…

Il y a aussi le fait qu’il ne faut pas trop que ça se sache parce que ça va être un levier pour te faire pression. Par exemple, tu vas moins choisir avec qui tu vas être en cellule… et c’est ce que j’ai constaté par la suite… Il y a aussi des surveillantes qui te font des blagues, qui sont clairement dégoûtées par toi.

Avec une de mes codétenues on s’est vraiment affiché, on était en mode on va dans la cour, on se roule des galoches, on est dans la même cellule, on baise et on s’en fout. Du coup il y a des surveillantes qui ont grave changé de comportement avec moi. En plus, je n’avais pas un rapport très amical avec elles. Dès qu’elles rentraient, je leur faisais écouter « I shot the sheriff » ou des trucs comme ça. Je me marrais à faire ça, ou je ne leur parlais pas du tout. Alors elles étaient sur des trucs de rage, grave et c’était très, très cool. Ça c’est pour la partie Rennes.

Après à Brest ils m’ont foutu à l’isolement, et en terme d’échanges affectifs c’était le néant total. Mon copain venait me voir. J’avais quand même le droit à des parloirs, avec pour ambiance une matonne particulièrement vicelarde. Par exemple, pendant ton parloir elle arrive en chemise comme ça, elle l’ouvre comme ça, toi t’es là… et donc gros décolleté… elle dit :

– « Oui alors Mr J. (donc mon mec) j’ai vu, ne vous inquiétez pas, tout est arrangé pour votre parloir

de demain, j’ai obtenu le parloir prolongé… »

Et à ce moment, t’es là :

– « Mais connasse c’est moi qui ai fait la demande, c’est pas toi qui décide, pourquoi tu interviens dans mon parloir pour me dire des choses comme ça ? Pourquoi en fait, d’habitude on ne voit jamais tes seins, et pourquoi là on voit tes seins ? Enfin je veux dire, je ne suis pas très jaloux dans la vie mais là, pfouuuu, t’es en train de faire quoi là??? »

Un jour, lors d’un retour d’audition dans la procédure contre mon voisin pour viol, cette même matonne a commencé à me dire des sales trucs:

– « Alors ça fait quoi pour une fois d’être de l’autre côté, hein ? d’être victime, ça ne te fait pas bizarre un peu ? Ça fait du bien, ça te fait du bien, non? » …

Moi j’étais là :

– « Mais… ça va pas ou quoi. Enfin j’avais 7 ans… »

Et du coup elle me fait :

– « Ah ouais, peut-être qu’il a des chances d’atterrir à côté, alors… »

et je réponds :

– « Ben ouais j’espère et puis j’espère que tu lui foutras bien la misère.»

et elle dit :

– « Non, je le féliciterais parce que les gens comme toi ils ne méritent que ça. »

Boum ! et elle ferme la porte… Elle faisait des trucs comme ça mais hyper secs. Elle insistait lors des fouilles à corps, à poil. C’était le genre de matonne à faire : « marche sur ta culotte », pour savoir s’il n’y a rien dedans. Elle n’est pas obligée de faire ça ! C’est vraiment des sales trucs. Du coup, pour qu’elle me foute la paix, ce que j’ai fait c’est que je me suis rasé la chatte en forme de cœur et à la fouille à corps, je lui ai dit :

– « C’est pour toi, c’est pour toi Fafa. À force tu m’excites, franchement tu m’excites vraiment ! »

Et là, elle a baissé le regard et elle ne m’a plus jamais fait chier sur ça en tout cas. Et elle n’est plus jamais rentrée dans mes parloirs.

Bon voilà. Après ce mec-là, pour X raisons, n’est plus jamais venu me voir au parloir. Je pense que c’est dur de soutenir des gens en taule. J’ai appris quelques temps plus tard qu’il avait vendu mon histoire au « nouveau détective » pour 1500 francs… {rires} Il avait la classe quoi ! genre vraiment la classe ! À partir de là, il prétextait que ça ne le faisait pas, que c’était hyper dur psychologiquement de venir de Rennes jusqu’à Brest, que mes parents c’était compliqué, que nanani… Ce que je pouvais comprendre, mais le jour où il m’a dit : « J’ai pas de thunes, j’ai pas de thunes ». Moi je lui ai envoyé un mandat pour lui payer son train, il a encaissé le mandat, et il n’est pas venu ! Là… Il est revenu me voir lors du parloir juste avant le procès pour me dire qu’il était désolé de m’avoir abandonné. Et du coup j’étais là : « Tu veux dire quoi en vrai ? moi j’y suis toujours… » Je lui ai répondu en gros : « Que de toute façon c’était pas grave. Au moins je savais que si j’avais fini en fauteuil roulant il ne m’aurait pas poussé. Finalement ça m’arrangeait, de toute façon il ne m’aurait pas aidé! ». Bon du coup ça fout quand même une claque en terme d’abandon, de …. Ouais tu ne te sens pas très.. t’es…

Les liens affectifs et intimes à Brest, je n’en ai pas eu. C’était plus des échanges avec des gars par courriers… Mais c’était plutôt pas génial.

Il existe aussi ce truc avec les gars où ils vont vachement t’interpeller, genre des exemples à la con : tu es là, à ta fenêtre en train de fumer ta clope et d’un coup t’as un mec qui t’interpelle et qui te fait :

– « Psss psss et t’as pas l’oreille qui te chatouilles ? »

– « Hmm, non ! »

– « Ah, pourtant j’ai la bite tellement longue qu’elle est en train de te toucher l’oreille là ! »

Ou alors tu les croises à la rue. La rue c’est plutôt l’axe centrale de la prison en général où tu as accès au service médical, accès à la fouille… Tu passes forcément par là. Eux, ils sont là « Ouais fais moi une bise », « Ouais vas-y nanani… ouais vas-y… », enfin ils t’interpellent vraiment… hyper relou quoi. Je n’aimais pas trop ce délire. Moi ça ne me parlait pas trop, ça m’a même un peu écœuré. Cette manière d’être considéré comme un bout de viande c’est assez trash.

Il y a eu un autre truc aussi à Brest… j’ai assisté euh… j’ai entendu un viol de gars, je ne sais pas combien de mecs, dix ? quinze ? qui gueulaient autour pour vraiment encourager le gars. On était avec ma codétenue. Ma super codétenue de la mort. (Voilà petite dédicace !) Elle a commencé à vriller direct parce qu’ils disaient :

– « Ouais… sur le Coran, vas-y nique lui le cul et tout »,

elle leur a dit :

– « Moi aussi je suis musulmane, en fait comment peux-tu te permettre de jurer sur le Coran alors que tu es en train de faire un truc comme ça! »

Moi aussi j’ai vrillé. On a commencé à les embrouiller. Du coup, il y a les autres gars qui s’en sont mêlés et nous ont dit :

– « ouais ben la prochaine fois, on vous laissera vous faire pointer… »

On leur a répondu du tac au tac… Là il y a quand même deux cent gars qui ont commencé à taper sur les portes, à faire vriller la prison. Suite à ça, les ERIS* sont venus, ils nous ont défoncé la gueule.

Il faut savoir que c’est un moyen de pression du côté des gars. Quand tu es un pointeur* ou quand tu es quelqu’un qui ne lui convient pas, l’AP* te met dans des cellules spécifiques où elle sait que tu vas t’en prendre plein la gueule. Les matons rigolent, ils n’interviennent pas du tout sur ce genre de truc.

Après j’arrive à Nantes. Là-bas tu n’as pas du tout cet échange comme tu peux avoir à Brest. À Brest c’est vraiment un pavé, un rectangle. La prison est tout en long, du coup tu peux faire des yoyos* avec les gars, tu peux te voir avec les miroirs, tu peux quand même échanger.

Suite à mon isolement, ça il faut quand même le dire parce que c’est quand même gravos.… [rires] Je culpabilisais à mort de ce que j’avais fait. À l’isolement tu pètes des plombs, et je suis devenu croyant !!!! […] Ben si, c’est vrai ! protestant, tout ça, machin…[rires]. On a le droit de s’égarer dans la vie quand même !

C’est simple à Brest, les visites que j’avais c’étaient les matonnes, les pasteurs ou les curés. En terme d’échanges c’était un peu dur. En sachant aussi que tes lettres sont lues, avoir des liens affectifs avec des personnes à l’extérieur par courrier pour moi c’était impossible. Ça me bloque encore maintenant, je suis incapable d’écrire une lettre. Tout ça m’avait bien cassé, alors je ne sais pas, je me suis dit bon ben vas-y prie, prie et on verra… Je priais par culpabilité, je priais pour arrêter d’aimer les meufs, pour arrêter de vouloir être un gars, pour…

J’arrive à Nantes, il y a une fille qui explosait de rire tout le temps. Elle me voyait, elle explosait de rire; du coup je croyais qu’elle se foutait de ma gueule. J’’étais là :

– « Mais qu’est-ce-qu’il y a ? »

Elle me dit :

– « J’ai envie de te foutre des mains au cul. »

Et j’étais là, tout rouge…

– « Ahh.. T’es sûre ? »

Elle fait :

« Ouais grave ! »

Et du coup, elle m’en fout une, moi j’étais là mais génial !!! En fait je vais arrêter de prier, c’est excellent la vie ! Ensuite on est arrivé à être codétenues, c’était assez chouette. Elle m’a fait complètement déculpabiliser d’aimer les meufs, de me prendre pour un gars.

Un soir alors qu’on baisait, on a entendu l’œilleton se refermer. On était là « mais il y a quelqu’un qui nous a maté ou quoi ? » C’était sûr. On n’a pas entendu l’œilleton s’ouvrir, on n’a pas entendu les pas arriver, mais on a entendu l’œilleton se fermer. Deux jours après, une surveillante ouvre la cellule et dit : « Je sais ce que vous faites ensemble. Ne vous inquiétez pas, ça reste entre nous.» C’était elle, dégueu !! La meuf elle a trop kiffé, elle attend de voir s’il y a des gens qui baisent derrière là… Laisse tomber le délire! De toute façon c’est sûr, ils ont un problème avec le voyeurisme.

Cette personne-là (ma codétenue), elle était plutôt hétéro, elle m’expliquait qu’elle sortait aussi avec des filles et que c’était cool. Elle m’a vachement ouvert l’esprit. Plusieurs personnes m’ont aidé à prendre mon corps comme il était. J’avais le droit d’être un gars, c’était vraiment pas un problème. Du coup, je me suis mis à…. plus m’accepter, tout simplement.

C’est quoi qui a permis ça ? C’est le rapport à la non mixité en zonz’ ?

Ouais je pense que quelque part c’est ça. Enfin j’imagine…

À Rennes, je suis sorti longtemps avec une autre codétenue. Une fois sortie, elle a fait sa demande de parloir, elle est venue me voir, elle allait voir son mari (en taule à Brest), il était au courant. C’était plutôt chouette notre relation. Son mari, était sur un truc : « si tu sors avec un mec ça ne va pas le faire mais avec une meuf c’est pas pareil ». C’est souvent ce truc là… mais ils sont cons ou quoi !!!… [rires]

Plus tard j’ai encore découvert plein de trucs, par exemple l’éjaculation féminine… et oui je sortais petit à petit d’une sexualité hétéro. Ma sexualité a grave évolué après, en centre de détention* à Joux-la-Ville. Parce que quand tu es en maison d’arrêt*, tu es enfermé, je sais pas si c’est utile de le préciser mais tu es enfermé quand même… Par exemple à Brest, j’étais enfermé 23h sur 24. À Rennes (en maison d’arrêt), il y avait 2h le matin où tu pouvais sortir et 2h l’après-midi et c’est tout. Tous les rapports que tu as sont avec ta codétenue, avec les autres surveillantes et il y a beaucoup moins d’échanges qu’en centre de détention. Ça change plein de choses.

Je suis arrivé à Joux-la-Ville en même tant que N. . À notre arrivée, le chef de détention lui a dit :

– « Ah mais toi tu t’appelles N. t’as du sang d’arabe toi ? Moi aussi. »

Elle a répondu :

-« Ah bon de quelle origine ? De où ? Moi je suis Chaouia, et toi ?… »

-« Non mais moi le sang d’arabe c’est sur mon pare-choc. »

Elle a souri… j’étais là, je l’ai regardé. Je suis allé la voir après :

– « Mais comment peux-tu sourire à un truc pareil ? »

– « Si je ne souris pas, il va me faire la misère. »

On a commencé à se parler par rapport à ça, très vite on s’est rapproché. Après on a mis longtemps à se draguer. J’étais hyper timide, elle avait quand même 15 ans de plus que moi. Je me sentais démuni, pas du tout à la hauteur… Et en fait non, c’était hyper cool.

On a découvert l’éjaculation féminine en même temps. Il y a eu ce truc, aussi, d’avoir le temps de s’explorer. D’avoir le temps d’explorer ses délires et ses traumas. Parce que justement le viol fait qu’avant de la connaître, rien que de penser à quelqu’un qui était derrière moi, je me collais à un mur, je me frottais les fesses. Ça me faisait un truc, où j’étais là « bah.. insupportable ». En fait, on a exploré ce truc là, avec des carottes d’ailleurs. Il n’y a pas de gode ceinture en taule, on fait avec ce qu’on trouve. On a eu des jeux plus ou moins bdsm*, qui m’ont complètement libéré. Là je n’ai plus de problème à imaginer quelqu’un derrière moi. Ça a réglé ça, vraiment.

On a commencé à bien se connaître, à passer beaucoup de temps ensemble, style 24 h, 48 h à baiser ensemble… c’est sûr que tu commences à bien connaître l’autre. Et puis c’était drôle car c’était tout un jeu. Il y a les rondes de nuit toutes les 2 heures. Faut calculer le truc. T’entends les grilles. Tu fais style de rien. Ils passent. Et hop tu reprends. Tout ce jeu-là pimente le truc.

Mais bon, des fois tu oublies que tu es dans le contexte de la prison. Comme elle était auxi*, la porte était ouverte toute la journée. On était dans une aile semi-fermée, à un moment, on s’est retrouvé à complètement zapper qu’on était en taule. On était en plein milieu de la coursive à baiser.. après on était là : « oups… il y a peut être un petit souci »… Voilà, c’était des trucs hypers drôles…

Aussi sur cette histoire de carottes, il y avait des personnes beaucoup plus créatives… je sais qu’il y a une personne qui avait fabriqué son gode ceinture, respect quand même. Pour en revenir au concombre par exemple, à l’âge de 21 ans je me suis dit : « quelle perverse cette meuf, c’est atroce…» alors que 3 ans plus tard j’étais avec ma carotte dans le cul. Ça m’a aidé à me sentir fort et légitime. Juste tout simplement légitime. Avec elle, mais aussi avec les autres détenues. Il n’y a jamais personne qui nous a fait chier parce qu’on était en couple. C’est plus les matonnes qui nous ont questionné pendant 15 jours à savoir si on était en couple ou pas. Tous nous ont questionné : le chef de détention, les matonnes, tout le monde et en permanence. Du style: « Vous êtes ensemble ?», « Dites-le nous ». Parce que ça ne le fait pas pour eux, ils nous auraient séparé.es de cellule, c’est sûr. Et puis : « Faut pas déconner, il y a un ordre dans la vie. Elle, elle est mariée, elle a des enfants, c’est quelqu’un de respectable et toi, tu es une pauvre égarée… ». Ils sont pervers. Ils ne comprennent pas que tu ne veuilles pas te marier et pas avoir d’enfant. Certaines matonnes font style d’être complices : « Ouais ne t’inquiètes pas, moi aussi je sors avec des meufs », mais c’est pour mieux te poucave derrière. Elles te disent que ne rien dire c’est aussi leur mentir mais en quoi ça les regarde ?

En tout cas, dans notre division, nous étions toutes solidaires. Nous mangions toutes ensemble le soir. Souvent N. et moi, on faisait notre show. Par exemple, il y avait un vélo, elle était dessus… et elle chantait : « Je ne reconnais plus personne en harley davidson », « Je t’amène bébé ? ». Moi j’étais derrière et on chantait… ça faisait rire les autres… il n’y avait pas de jugement. Je me rappelle il y avait un autre couple de meufs. Un jour les cantines* arrivent. L’une d’entre elle était en train de faire un cunnilingus à sa copine qui avait ses règles. Elle avait sa bouche toute rouge et depuis elle a eu le petit surnom de clown. Ce n’était ni méchant, ni stigmatisant et puis ce n’était pas un truc : « ahhh… elles sont sales ».

Quand tu es sur des longues peines, tu as d’autres choses à foutre que de te prendre la tête sur la sexualité que tu as ou que tu n’as pas. Enfin je crois, moi j’ai ressenti ça. En maison d’arrêt il y a plus de jugements entre détenues. Tu sens ce poids. Les petites peines quand elles voient que t’es une longue peine, c’est un truc de ouf en vrai. Puis de toute façon socialement quand tu es deux meufs, ce n’est pas bien vu de se promener main dans la main. J’ai trouvé qu’en centre de détention, c’était beaucoup moins lourd par rapport à ça.

D’avoir ces rapports affectifs ça m’a aidé à tenir. Par contre il était hors de question que les matons sachent qu’on soit réellement ensemble. Ils s’en doutaient, c’est sûr, ça se voyait sur ma gueule, il y avait des étoiles dans mes yeux. Ils nous entendaient, des fois… Je suis assez expansive comme personne quand j’ai un orgasme… (rires)

Du coup même si les matons savaient des choses il n’y avait pas assez pour vous mettre la pression ?

Non … et je me disais : « Faut qu’on sorte de là et on mérite d’avoir une vie chouette, on va être ensemble après… ». Par contre 2 mois avant que je sorte, ils n’arrêtaient pas de venir me dire :

– « Tu l’oublieras, ça va te saouler de venir la voir, c’est pas possible…».

La première permission* que j’ai eu, ils m’ont dit :

– « Alors, tu t’es tapé une bonne queue… Tu as la dalle, tu as prévu des capotes !!! ».

Et toi tu n’as qu’une envie c’est de leur dire que la personne avec qui tu baises, elle est là… et qu’en fait tu vas aller te baigner dans la mer. Ça fait 5 ans que t’es pas sorti !

Il y a ce côté hyper voyeuriste. Ils sont habitués à tout connaître de ta vie, et ils en jouent à fond. Comme dans mon dossier il y avait une procédure pour viol, ils savaient très bien que pour moi c’était un truc…Il y avait une personne, dont j’avais hyper peur. Elle avait pris perpette pour récidive de pédophilie. Bon, bref, chacun ses histoires. Quand j’étais auxiliaire*, elle me regardait tout le temps. Elle était dans la division à côté. Elle me regardait quand j’étais dans les douches, et elle m’appelait, répétait plusieurs fois mon prénom, disait « Viens voir »… C’était trop un stéréotype du genre viens goûter mes bonbons !! C’était crade. Un jour, on sortait de la division en même temps et là, elle est venue et elle m’a dit :

– « Mais au fait, S., tu as quel âge ? »

Moi, je ne sais pas, avec son regard, son intonation de voix, j’ai flippé. Je suis parti en courant. Je me suis cassé la gueule dans les escaliers. J’ai hurlé et je suis allé dans ma cellule. Et cela a fait beaucoup rire les matonnes. De là, elles me réveillaient en me disant: « C’est tata luluce ». Elle s’appelait L. la meuf. Donc tu dors et là, il y a une surveillante qui vient et qui te susurre « c’est tata luluce » ou alors elle vient te chatouiller les pieds et dire « c’est tata luluce ». Combien de fois, j’ai failli défoncer des matonnes… Elles te chatouillent le pied, il part, et là, en 30 secondes, tu te rappelles que tu es en taule… Tu redescends en 10 secondes. Tu ne vas pas les taper mais du coup, ça les fait super marrer… Aussi quand on s’appelait au téléphone avec N. , les matonnes coupaient la conversation pour dire : « C’est tata luluce ». À un autre moment je servais les plateaux, les matonnes étaient derrière moi. Je devais servir du kiri. La matonne me dit :

– « Tu sais pourquoi elle est là elle ? pour pédophilie mais aussi pour zoophilie et tu sais quoi ? Il y a une vidéo où elle est en train de se faire lécher par son chien en s’étalant du kiri sur la chatte. »

Et là je dois lui servir du kiri.. je ne sais même pas si c’est vrai cette histoire en fait, on ne peut même pas savoir. Mais le fait qu’elle rigole là, je me suis dit que ce qui est vu socialement comme de la perversion à savoir deux personnes qui s’aiment, qui jouissent de leurs corps avec consentement il n’y a pas de perversion là dedans. Mais aller rigoler sur des trucs comme ça, en fait c’est chaud… ouais c’est grave…

Par exemple, en centre de détention on a eu des conversations entre codétenues où on a le temps. Tu es là, tu bois le café, tu parles de cul, il y a des personnes qui sont âgées, d’autres personnes qui sont plus jeunes, des personnes qui viennent de france ou d’ailleurs et aussi de différentes origines sociales. Cela donne un truc d’échanges au niveau des expériences qui est hyper chouette, c’était très décomplexé et moi je trouvais ça hyper drôle ! On se marrait vraiment !

C’est fou ça a l’air très sexualisé. Que ça soit les blagues des matonnes, que ça soit les discussions entre copines. Je sais pas si c’est parce-qu’on en cause aujourd’hui mais ça a l’air d’être très présent ?

Ben ouais quoi comme dans la vie humaine globalement.

Bah… plus ou moins, je sais pas. Tu aurais l’impression que ça l’ai plus ?

[temps de réflexion]

Pour moi c’est plus que dehors. Tu vois juste d’avoir des discussions de culs avec pleins de meufs différentes ça n’arrive pas tous les jours. Et après quand tu sors tu as un gros décalage ! Moi j’en parle de cul ! Normal quoi, à fond et blabla et blabla… Mais tu sens les gens pas du tout habitués. J’ai dû revoir ma façon d’en parler, me réapproprier une pudeur. En taule cette notion de pudeur elle éclate. Tu n’as quasi plus rien à perdre. On passe un temps infini ensemble. À chaque mouvement* il y a je ne sais pas combien de matonnes qui te voient à poil, tout le monde en fait. Du coup mon rapport au corps a changé. Avant j’étais hyper pudique. Après ma sortie, j’allais sur la plage, je me foutais à poil, je me baignais qu’il y ai du monde ou pas, je n’en avais rien à foutre ! Je pouvais même chier devant les gens ! Maintenant je suis en train de retravailler sur mon intimité et ma pudeur.

À Rennes, entre matonnes et détenues je sais qu’il y a des histoires de culs et des histoires en général plutôt sales… Chez les gars il y en a aussi c’est clair ! Il y a de la sexualité en prison, elle est omniprésente mais il y a aussi de la frustration… Imagine, tu n’as plus de stimulation physique. Et la taule a une odeur, elle pue. Tu ne vois jamais très loin ; au niveau sonore c’est hyper oppressif. La bouffe est dégueulasse, tu ne prends pas de plaisir à bouffer et au final le cul fait que tu peux survivre ! C’est une stimulation vitale. Tu baises, tu as un orgasme, ça détend quoi !

Sans parler de cul, c’est un truc de malade, deux mains qui se touchent, les peaux qui s’effleurent, sentir l’odeur de quelqu’un d’autre. Ça te manque. Quand tu es à l’isolement tu ne peux même pas… enfin c’est inimaginable… Des fois je n’arrivais pas à dormir, je m’imaginais être dans les bras de quelqu’un, très très fort, pour pouvoir m’endormir ! Mais c’est juste dans ton imaginaire.

[temps de silence]

Du coup, il y a de la tendresse entre les codétenues sans parler de séduction, sensualité, cul ou quoi ?

Il y a de la violence c’est sûr mais il y a de la tendresse aussi… Je parle que de mon expérience car en fait je ne peux pas parler d’autre chose. Par exemple, quand je suis tombé, je pleurais, c’était un truc de ouf. D’abord j’ai fait 15 jours d’hôpital psy, après ils m’ont refoutu en taule et vraiment je pleurais, vraiment beaucoup. Ma codétenue ne parlait pas français, moi je ne parlais ni anglais ni espagnol, ce n’était pas simple pour communiquer au départ. À un moment, elle a juste passé sa main ici, là, elle m’a fait ça et ça m’a réconforté d’une force. C’était puissant. Il y avait aussi ce sentiment-là : « Si tu plonges dans ton désespoir, moi aussi je vais plonger dans mon désespoir, donc il faut qu’on tienne, on n’a pas le choix. »

J’ai aussi vu des meufs se foutrent de la gueule d’autres meufs qui pétaient les plombs. Ça existe aussi mais je trouve qu’en centre de détention il y a de la solidarité entre les personnes. Par exemple, il y avait une personne qui avait pris 25 piges avec une peine de sûreté* de 15 ans. Elle était détruite, cachetonnée à fond. Un jour, elle devait aller au parloir voir son fils. Elle avait du vomi sur elle. On l’a emmenée dans notre cellule avec N., on l’a nettoyée, maquillée, on lui a prêté une robe et elle est partie au parloir. Il y a ce truc de dire tu vas assumer ton rôle de mère. Ton gamin n’a pas choisi que tu sois là. Pour lui tu vas tenir.

Pour moi, il n’y a que la solidarité qui peut rendre supportable des situations inhumaines… Plusieurs personnes de la détention étaient sur ce mode-là ; à faire des petites choses invisibles… Par exemple quand quelqu’une pleure, on lui passe des clopes, on essaie de la mettre bien… Par rapport à ça je trouve que c’était assez fort. L’enfermement ça amène une sincérité, une franchise. Tu n’as plus de temps à perdre, tu es obligé d’être cash, d’apprendre, tu n’as pas le temps de mentir, minauder. Ça amène une authenticité dans les rapports qui me manque maintenant. J’ai grandi là dedans, j’ai construit une part de ma manière de relationner et de voir le monde à ce moment-là.

Avant d’aller en taule je ne sais pas combien de tentatives de suicides j’ai pu faire. C’était énorme. Ce tatouage-là veut dire : « Enrichissons-nous de nos différences ». Je l’ai fait sur ces cicatrices en me disant si je veux m’insérer plus tard ce sera plus facile. J’ai arrêté de me découper parce qu’il y a des femmes qui m’ont porté, qui m’ont aidé. Des personnes avec qui je n’aurais jamais soupçonné échanger, avoir des liens qui ont de la valeur. C’est pour ça que j’ai fait ce tatouage sur ces cicatrices, pour m’en rappeler. Ça peut paraître incongru pour plein de gens mais mes liens affectifs je les ai construits en taule. Je me rends bien compte que ça a aussi changé des choses. J’ai plus de mal à parler quand on est plus nombreux, ou alors faut qu’on soit très nombreux et que je sois un peu bourré !

Par contre, il existe quand même des rapports de force que tu crées en taule, des habitudes que tu gardes. Moi je me défends et je considère qu’ils nous traitent comme des chiens. On n’a plus aucun droit, les matons font ce qu’ils veulent avec nous mais ça va pas du tout aller… Moi j’ai envie de vivre, alors on ne va pas me faire chier! Que ce soit l’AP ou les autres détenues. Mais ça nemarche pas comme ça la vie, c’est très dangereux… Par exemple, quand les ERIS sont arrivés dans notre cellule avec ma pote, on s’est retrouvé avec six gars en face de nous, sur-armés. Alors on s’est défendu.es car sinon on risquait de crever. C’est ça que crée principalement la prison et ça craint. À des moments j’ai plus les ressources nécessaires. Je n’ai pas appris à mettre des mots sur certaines émotions, à transformer la violence en autre chose.

On va terminer… Tu aurais envie de dire un truc en conclusion ?

Et bien… en conclusion… Je me rappellerai toute ma vie que les plus grosses crapules elles ne sont pas derrière les barreaux. S’il y a des personnes qui vont en taule et qui lisent ces mots rappelez- vous que ce sont les matons les ennemis, qu’un bleu reste un bleu, même s’il te parle bien, même s’il te fait des petits cadeaux… S’il a l’ordre de te péter la gueule, il te pétera toujours la gueule. Ne pense jamais qu’un flic ou un maton soit un de tes potes, jamais, jamais, jamais…

quelques termes spécifiques et abréviations…

A. P. : administration pénitentiaire

Auxi ou auxiliaire : terme qui désigne les détenu.es qui travaillent au service général, c’est-à-dire qu’ils et elles sont employé.es par l’AP pour des travaux d’entretien de la prison et diverses autres tâches, comme la distribution des repas (« auxi-gamelles »)

B.D.S.M. (bondage, discipline, sado-masochisme) : désigne un ensemble de pratiques sexuelles et contractuelles

C.D. : centre de détention où les détenu.es purgent une peine supérieures à deux ans.

Cantine : système de ventes aux détenu.es par l’AP (alimentation, produits d’hygiène,…) plus chère que dehors.

Centre pénitentiaire : prison où il existe plusieurs régimes de détention (MA et CD, par exemple).

E.R.I.S. : équipe régionale d’intervention et de sécurité. C’est les CRS des taules… Une unité de l’AP chargée d’intervenir en cas de tensions (agression, mutinerie, évasion, etc.) dans un établissement pénitentiaire.

Maison d’arrêt ou M.A. : y sont affectées les personnes en attente de jugement ou lorsque leur peine est inférieure à 2 ans.

M.A.F. : maison d’arrêt des femmes.

Mouvement : déplacement à l’intérieur de la prison, encadré par les maton.ne.s

Peine de sûreté : période au cours de laquelle le ou la condamné.e ne peut bénéficier de la suspension ou du fractionnement de celle-ci, du placement à l’extérieur, des permissions de sortir, de la semi-liberté ou de la libération conditionnelle.

Permission de sortir : autorisation donnée à un.e détenu.e de s’absenter d’une prison.

Pointeur : nom donné, en détention, aux personnes inculpées pour des délits ou crimes à caractère sexuel.

Promenade : cour où les détenu.es peuvent se promener. La sortie en promenade n’est pas obligatoire. En MA, elle est bien plus réduite qu’en établissement pour longues peines.

Yoyo : système de ficelles permettant aux détenu.es de passer des messages et/ou des objets d’une cellule à une autre. Interdit mais se pratique partout.

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